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XIV
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Gautier. Mais Émile de Girardin n’y regardait pas de si près ; il choisit, pour servir d’introducteur au chantre des Martyrs… M. Charles Monselet. Monselet, à cette date, n’avait guère à son actif que deux joyeuses pochades : Lucrèce ou la femme sauvage, parodie de la tragédie de Ponsard, les Trois Gendarmes, parodie des Trois Mousquetaires de Dumas. Ce n’était peut-être pas là une préparation suffisante, et Chateaubriand était, pour cet homme d’esprit, un bien gros morceau. Il se trouva cependant — Monselet étant de ceux qu’on ne prend pas facilement sans vert — que son dithyrambe était assez galamment tourné. La Presse le publia dans ses numéros des 17, 18, 19 et 20 octobre et, le 21, paraissait le premier feuilleton des Mémoires. Il était accompagné d’un entre-filet d’Émile de Girardin, lequel faisait sonner bien haut, une fois de plus, les écus qu’il avait dû verser.


…Les Mémoires d’Outre-tombe ont été achetés par la Presse, en 1844, au prix de 96 000 francs, prix qui aurait pu s’élever jusqu’à 120 000 francs. Elle avait pris l’engagement de les publier ; cet engagement, elle l’a tenu, sans vouloir accepter les brillantes propositions de rachat qui lui ont été faites…

Cette publication aura lieu sans préjudice de l’accomplissement des traités conclus par la Presse avec M. Alexandre Dumas, pour Les Mémoires d’un médecin ; avec M. Félicien Mallefille (aujourd’hui ambassadeur à Lisbonne), pour les Mémoires de don Juan ; avec MM. Jules Sandeau et Théophile Gautier.


Les choses, en effet, ne se passèrent point autrement. La Presse avait intérêt à faire durer le plus longtemps possible la publication d’une œuvre qui lui valait beaucoup d’abonnés nouveaux. Elle la suspendait quelquefois durant des mois entiers. Les intervalles étaient remplis, tantôt par les Mémoires d’un médecin, tantôt par des feuilletons de Théophile Gautier ou d’Eugène Pelletan. D’autres fois, c’était simplement l’abondance des matières, la longueur des débats législatifs, qui obligeaient le journal à laisser