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femme bien aimée ! un pareil moment de bonheur fait oublier bien des tourments.

Arrière ceux qui sourient de pitié aux épanchements de la vie intime ! ces gens là ne connaissent pas la poésie de l’âme.

Merci à toi, mon Élisa ! je n’oublierai jamais que, frêle et maladive, tu puisas dans ton cœur une force surhumaine. Oh ! ne dites pas que la famille n’est pas chose sainte et révérée, ne dites pas que la femme ne remplit pas une mission sublime, c’est dans l’adversité qu’on connaît tout son dévouement.

Je me plais à terminer par ces mots un opuscule que quelques uns jugeront être un pamphlet ; j’avais besoin de finir par des paroles de paix, et d’effacer ainsi de mon cœur l’amertume de mes pensées.

Qu’importe la persécution ! qu’importent les passions mauvaises d’hommes vils et coupables ! on est heureux de pouvoir reporter les yeux sur d’autres tableaux.

Sous ce rapport je bénis ma captivité ; elle m’a fait connaître le dévouement des êtres qui me sont chers ; elle m’a mis à même d’apprécier de nobles cœurs et de pouvoir dire : j’ai de véritables amis. N’ai-je donc pas plus gagné que perdu ?

Enfin je suis libre et mon premier mouvement est d’embrasser le digne lieutenant Ledoux ; son épouse me tend une main amie ; j’annonce à mes camarades ma mise en liberté et tous les bras s’ouvrent pour me serrer… Eux attendent leur liberté, mais ils oublient dans ce moment leur propre infortune.

À vous braves soldats, qui avez accompli avec fraternité un devoir pénible, à vous aussi salut ! vos mains cherchent la mienne et vos regards amis me suivent encore lorsque j’ai dépassé le pont que vingt-un jours auparavant je traversais captif.


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