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et nous ne craignons les employer à toutes sortes de desbauches ; nous prononçons, disons et faisons, sans craincte et sans honte, les meschantes choses contre nature et raison, parjurer, trahir, affronter, tuer, tromper, et rougissons au dire et au faire des bonnes, naturelles, necessaires, justes et legitimes. Il n’y a mari qui n’eust plus de honte d’embrasser sa femme devant le monde, que de tuer, mentir, affronter ; ny femme qui ne dise plustost toutes les meschancetez du monde, que de nommer ce en quoy elle prend plus de plaisir, et peust legitimement faire. Jusques aux traistres et assassins, ils espousent les loix de la ceremonie, et attachent là leur debvoir : chose estrange, que l’injustice se plaigne de l’incivilité ; et la malice, de l’indiscretion ! L’art de la ceremonie ne prevaut-elle pas contre la nature ? La ceremonie nous deffend d’exprimer les choses naturelles et licites, et nous l’en croyons ; la nature et la raison nous deffend les illicites, et personne ne l’en croit ; l’on envoye sa conscience au bordel, et l’on tient sa contenance en reigle : tout cela est monstrueux, et ne se trouve rien de semblable aux bestes.