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puissant, plus ancien, il est tout aussi tost.que luy, nay avec luy. Tout homme doibt estre et vouloir estre homme de bien, pource qu’il est homme : qui ne se soucie de l’estre est un monstre, renonce à soymesme, se desment, se destruit, par droict n’est plus homme, et debvroit par effect désister de l’estre, il l’est à tort. Il faut que la preud’hommie naisse en luy par luy-mesme, c’est-à-dire par le ressort interne que Dieu y a mis, et non par aucun autre externe estranger, par aucune occasion ou induction. Personne ne veust d’une volonté juste et réglée une chose gastée, corrompue, autre que sa nature ne porte : il implique contradiction de desirer ou accepter une chose et ne se soucier qu’elle vaille rien ; l’homme veust avoir toutes ses pièces bonnes et saines, son corps, sa teste, ses yeux, son jugement, sa mémoire, voire ses chausses et ses bottes : pourquoy ne voudra-t-il aussi avoir sa volonté et conscience bonne, c’est-à-dire, estre bon et sain tout entier ? Je veux donc qu’il soit bon et aye sa volonté ferme et résolue à la droiture et preud’hommie pour l’amour de soy-mesme, et à cause qu’il est homme, sachant qu’il ne peust estre autre sans se renoncer et destruire, et ainsi sa preud’hommie luy sera propre ? intime, essentielle, comme luy est son estre, et comme il est à soy-mesme. Ce ne sera donc point pour quelque considération externe et venant du dehors quelle qu’elle soit, car telle cause estant accidentale, et du dehors peust venir à