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quelque air de nature, et quelque teincture. S’il faut s’essayer et s’esvertuer, ce sera plustost et plus volontiers pour chose qui a ses effects et ses fruicts esclatans, glorieux, externes et sensibles, tels qu’a l’ambition, l’avarice, la passion, que pour la sagesse, qui a les siens doux, sombres, internes, et peu visibles. ô combien le monde se mescompte ! Il ayme mieux du vent avec bruict, que le corps, l’essence sans bruict ; l’opinion et reputation, que la verité. Il est bien vrayement homme (comme il a esté dict au premier livre), vanité et misere, incapable de sagesse. Chascun se sent de l’air qu’il haleine et où il vit, suyt le train de vivre suyvi de tous ; comment voulez-vous qu’il s’en advise d’un autre ? Nous nous suyvons à la piste, voire nous nous pressons, eschauffons, nous nous coiffons et investissons les vices et passions les uns aux autres ; personne ne crie, hola ! Nous faillons, nous nous mescomptons. Il faut une speciale faveur du ciel, et ensemble une grande et genereuse force et fermeté de nature pour remarquer l’erreur commune que personne ne sent, de s’adviser de ce de quoy personne ne s’advise, et se resouldre à tout autrement que les autres. Il y en a bien aucuns et rares, je les voy, je les sens, je les fleure et les haleine avec plaisir et admiration ; mais quoy ! Ils sont ou democrites ou heraclites ; les