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condition, qui est la premiere partie et un très grand acheminement à la sagesse, il faut maintenant entrer en la doctrine d’icelle, et entendre en ce second livre ses reigles et ses advis generaux, reservant les particuliers au livre suyvant et troisiesme. C’estoit un prealable que d’appeller l’homme à soy, à se taster, sonder, estudier, affin de se cognoistre et sentir ses deffauts et sa miserable condition, et ainsi se rendre capable des remedes salutaires et necessaires, qui sont les advis et enseignemens de sagesse. Mais c’est chose estrange que le monde soit si peu soucieux de son bien et amendement. Quel naturel que de ne se soucier que sa besongne soit bien faicte ! On veust tant vivre ; mais l’on ne se soucie de sçavoir bien vivre. Ce que l’on doibt le plus et uniquement sçavoir, c’est ce que moins l’on sçait et se soucie sçavoir. Les inclinations, desseins, estudes, essais, sont (comme nous voyons), dès la jeunesse, si divers, selon les divers naturels, compagnies, instructions, occasions ; mais aucun ne jette ses yeux de ce costé-là, aucun n’estudie à se rendre sage ; personne ne prend cela à cœur, l’on n’y pense pas seulement. Et si par fois, c’est en passant, l’on entend cela comme une nouvelle qui se dict où l’on n’a poinct d’interest : le mot plaist bien à aucuns, mais c’est tout ; la chose n’est de mise ny de recherche en ce siecle d’une si universelle corruption et contagion. Pour appercevoir le merite et la valeur de sagesse, il en faut avoir ja