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et guinder, à le tendre et roidir, comme à le reigler, ordonner et policer ; l’ordre et la pertinence c’est l’effect de sagesse, et qui donne prix à l’ame : et sur-tout se garder de presomption, opiniastreté ; vices familiers à ceux qui ont quelque gaillardise et vigueur d’esprit : plustost se tenir au doubte en suspens, principalement ez choses qui reçoivent oppositions et raisons de toutes parts, mal-aisées à cuire et digerer : c’est une belle chose que sçavoir bien ignorer et doubter, et la plus seure, de laquelle ont faict profession les plus nobles philosophes, voire c’est le principal effect et fruict de la science. Pour le regard de la volonté, il faut en toutes choses se reigler et soubsmettre à la droicte raison, qui est l’office de vertu, non à l’opinion volage, inconstante, faulse ordinairement, moins encore à la passion. Ce sont les trois qui remuent et regentent nos ames. Mais voyci la difference ; le sage se reigle et se range à ce qui est selon nature et raison, regarde au debvoir, tient pour apocryphe et suspect ce qui est de l’opinion, condamne tout à faict ce qui est de la passion, et pour ce vit-il en paix, chemine tout doucement en toutes choses, n’est poinct subject à se repentir, se desdire, changer ; car quoy qu’il advienne, il ne pouvoit