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à soy-mesme, rendant à la raison la puissance de commander, et assubjectissant les appetits et les pliant à l’obeyssance. C’est la premiere originelle justice, interne, propre, et la plus belle qui soit. Ce commandement de l’esprit sur la partie brutale et sensuelle, de laquelle sourdent les passions, est bien comparé à un escuyer qui dresse un cheval, pource que se tenant tousiours dedans la selle, il le tourne et manie à sa volonté. Pour parler de la justice qui s’exerce au dehors et avec autruy, il faut sçavoir premierement qu’il y a double justice ; une naturelle, universelle, noble, philosophique ; l’autre aucunement artificielle, particuliere, politique, faicte et contraincte au besoin des polices et estats. Celle-là est bien mieux reiglée, plus roide, nette et belle ; mais elle est hors l’usage, incommode au monde tel qu’il est : (…) : il n’en est aucunement capable, comme a esté dict. C’est la reigle de Polyclete, inflexible, invariable. Ceste-cy est plus lasche et molle, s’accommodant à la foiblesse et necessité