Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/407

Cette page n’a pas encore été corrigée

un passé, nous poise fort, ou quelque violente passion nous agite et tourmente, que l’on ne puisse dompter, il faut changer et jetter sa pensée ailleurs, luy substituer un autre accident et passion moins dangereuse. Si l’on ne la peust combattre, il luy faut eschapper, fourvoyer, ruser, ou bien l’affoiblir, la dissoudre et destremper avec d’autres amusemens et pensées, la rompre en plusieurs pieces ; et tout cela par destours et divertissemens. L’autre advis aux dernieres et très dangereuses extremitez, où n’y a plus que tenir, est de baisser un peu la teste, prester au coup, ceder à la necessité ; car il y a grand danger qu’en s’opiniastrant par trop à ne rien relascher, l’on donne occasion à la violence de fouler tout aux pieds. Il vaut mieux faire vouloir aux loix ce qu’elles peuvent, puis qu’elles ne peuvent ce qu’elles veulent. Il a esté reproché à Caton d’avoir esté trop roide aux guerres civiles de son temps, et plustost avoir laissé la republique encourir toutes extremitez, que la secourir un peu aux despens des loix. Au rebours, Epaminondas au besoin continua sa charge outre le terme, bien que la loy luy prohibast sur la vie ; et Philopoemen est loüé qu’estant né pour commander, il sçavoit non seulement gouverner selon les loix, mais encore commander aux loix