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mille ans avant l’aage de Platon. Aucuns ont dict que le monde est de toute eternité, mortel et renaissant à plusieurs vicissitudes : d’autres et les plus nobles philosophes ont tenu le monde pour un dieu, faict par un autre dieu plus grand ; ou bien, comme Platon asseure et autres, et y a très grande apparence en ses mouvemens, que c’est un animal composé de corps et d’esprit, lequel esprit logeant en son centre s’espand par nombres de musique en sa circonference, et ses pieces aussi, le ciel, les estoiles composées de corps et d’ame, mortelles à cause de leur composition, immortelles par la determination du createur. Platon dict que le monde change de visage en tous sens : que le ciel, les estoiles, le soleil, changent et renversent par fois leur mouvement, tellement que le devant vient derriere ; l’orient se faict occident. Et, selon l’opinion ancienne fort authentique, et des plus fameux esprits, digne de la grandeur de Dieu, et bien fondée en raison, il y a plusieurs mondes, d’autant qu’il n’y a rien un, et seul en ce monde : toutes especes sont multipliées en nombre ; par où semble n’estre pas vray-semblable que Dieu aye faict ce seul ouvrage sans compagnon, et que tout soit epuisé en cest individu. Que l’on considere aussi ce que la descouverte du monde nouveau, Indes orientales et occidentales, nous a apprins : car nous voyons premierement que tous les anciens se sont mescomptez, pensant avoir trouvé la mesure de la terre habitable, et comprins toute la cosmographie, sauf quelques isles escartées, mescroyant les antipodes : car voylà un monde à peu près comme le nostre, tout en terre ferme,