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remarquer là dedans un royaume, un empire, et peust-estre ce monde (car c’est une grande et authentique opinion qu’il y en a plusieurs) comme le traict d’une poincte très delicate, et y lire une si generalle et constante varieté en toutes choses, tant d’humeurs, de jugemens, creances, coustumes, loix, tant de remuemens d’estats, changemens de fortune, tant de victoires et conquestes ensepvelies, tant de pompes, cours, grandeurs evanouyes : par là l’on apprend à se cognoistre, n’admirer rien, ne trouver rien nouveau ny estrange, s’affermir et resouldre par-tout. Pour acquerir et obtenir cest esprit universel, galant, libre et ouvert (car il est rare et difficile, et tous n’en sont capables non plus que de sagesse), plusieurs choses y servent : premierement ce qui a esté dict au livre premier de la grande varieté, difference et inequalité des hommes : ce qui se dira en cestuy-ci de la grande diversité des loix et coustumes qui sont au monde : puis ce que disent les anciens de l’aage, estats et changemens du monde. Les prestres aegyptiens dirent à Herodote que, depuis leur premier roy (dont y avoit plus d’onze mille ans, duquel et de tous les suyvans luy firent voir les effigies en statues tirées au vif), le soleil avoit changé quatre fois de route. Les chaldeens, du temps de Diodore, comme il dict, et Ciceron, tenoient registre de quatre cent mille tant d’ans. Platon dict que ceux de la ville de Saïs avoient des memoires par escrit de huict mille ans, et que la ville d’Athenes fut bastie mille ans avant ladicte ville de Saïs. Aristote, Pline et autres ont dict que Zoroaste vivoit six