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de laquelle est germain ou procede, de rien ne s’estonner, ne rien admirer ; le souverain bien de Pythagoras ; la vraye magnanimité d’Aristote : (…). Or, le vray moyen d’obtenir et se maintenir en ceste belle liberté de jugement, et qui sera encore une autre belle leçon et disposition à la sagesse, c’est d’avoir un esprit universel, jettant sa veuë et consideration sur tout l’univers, et non l’asseoir en certain lieu, loy, coustume, et maniere de vie, mais (avec la modification susdicte, tant au croire qu’au faire) estre citoyen du monde, comme Socrates, et non d’une ville, embrassant par affection tout le genre humain. C’est sottise et foiblesse que de penser que l’on doibt croire et vivre par-tout comme en son village, en son pays, et que les accidens qui adviennent icy touchent et sont communs au reste du monde. Le sot, si l’on recite y avoir autres creances, coustumes, loix toutes contraires à celles qu’il void tenir et usiter, il les abomine et condamne promptement comme barbarie, ou bien il mescroit tels recits, tant il a l’ame asservie aux siennes municipales, qu’il estime estre les seules vrayes, naturelles, universelles. Chascun appelle barbarie ce qui n’est pas de son goust et usage, et semble que nous n’avons autre touche de la verité et de la raison que l’exemple et l’idée des opinions et usances du pays où nous sommes. Or, il se faut affranchir de ceste brutalité, et se faut presenter comme en un tableau ceste grande image de nostre mere nature en son entiere majesté,