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et ce qui est en usage ordinaire ; (…) : car en toutes ces choses il se faut accorder et accommoder avec le commun ; ne rien gaster ou remuer. Il en faut rendre compte à autruy ; mais les pensées, opinions, jugemens, sont toutes nostres et libres. Or, cecy est premierement se maintenir à soy et en liberté : (…). C’est garder modestie et recognoistre de bonne foy la condition humaine pleine d’ignorance, foiblesse, incertitude : (…). C’est aussi esviter plusieurs escueils et dangers, comme sont participer à plusieurs erreurs produictes par la fantasie humaine, et dont tout le monde est plein ; estre puis contrainct de se desmentir et desdire sa creance. Car combien de fois le temps nous a-il fait voir que nous nous estions trompez et mescomptez en nos pensées, et nous a forcez de changer d’opinion ! C’est aussi s’infrasquer en querelles, divisions, disputes ; offenser plusieurs partis : car prenons le plus fameux party et la plus receuë opinion qui soit, encore faudra-il attaquer et combattre plusieurs autres partis. Or, cette surseance de jugement nous met à l’abry de tous ces inconveniens. C’est aussi se tenir en repos et tranquillité loin des agitations et des vices qui viennent de l’impression, de l’opinion et science que nous pensons avoir des choses. Car de là viennent l’orgueil, l’ambition, les desirs imm