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L’autre disposition à la sagesse, qui suyt ceste premiere (qui nous a mis hors ceste captivité et confusion externe et interne, populaire et passionnée), c’est une pleine, entiere et genereuse liberté d’esprit, qui est double, sçavoir de jugement et de volonté. Pour la premiere du jugement, nous avons ja assez monstré que c’est foiblesse et sottise niaise de se laisser meiner comme buffles, croire et recepvoir toutes impressions ; que les ayant receuës, s’y opiniastrer, condamner le contraire, c’est folie, presomption ; persuader et induire autruy, c’est rage et injuste tyrannie. Maintenant nous disons et donnons pour une belle et des premieres leçons de sagesse, retenir en surseance son jugement, c’est-à-dire soustenir, contenir et arrester son esprit dedans les barrieres de la consideration et action d’examiner, juger, poiser toutes choses (c’est sa vraye vie, son exercice perpetuel), sans s’obliger ou s’engager à opinion aucune, sans resouldre ou determiner, ny se coiffer ou espouser aucune chose. Cecy ne touche poinct les veritez divines que la sagesse eternelle nous a revelées, qu’il faut recepvoir avec toute humilité et submission, croire et adorer tout simplement : ny aussi les actions externes et communes de la vie, l’observance des loix, coustumes,