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esclairer aux autres, et faire plusieurs belles choses utiles et exemplaires. Il faut qu’il couche de sa vie, et la fasse courir fortune. Qui ne sçait mespriser la mort, non seulement il ne fera jamais rien qui vaille, mais il s’expose à divers dangers : car en voulant tenir couverte, asseurée sa vie, il met à descouvert et à l’hazard son debvoir, son honneur, sa vertu et preud’homie. Le mespris de la mort est celuy qui produict les plus beaux, braves et hardis exploicts, soit en bien ou en mal. Qui ne crainct de mourir ne crainct plus rien, faict tout ce qu’il veust, se rend maistre de la vie et sienne et d’autruy : le mespris de la mort est la vraye et vifve source de toutes les belles et genereuses actions des hommes. De là sont derivées les braves resolutions et libres paroles de la vertu, prononceant ses sentences par la voix de tant de grands personnages. Elvidius Priscus, à qui l’empereur Vespasian avoit mandé de ne venir au senat, ou y venant ne dire son advis, respondit qu’estant senateur il ne faudroit de se trouver au senat ; et s’il estoit requis de dire son advis, il diroit librement ce que sa conscience luy commanderoit. Estant menacé par le mesme que, s’il parloit, il en mourroit : vous ay-je jamais dict (