Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/256

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tu vas contre nature : la craincte de douleur est bien naturelle, mais de la mort non : car estant de si grand service à nature, et l’ayant elle instituée, à quoy faire nous en auroit-elle imprimé la hayne et l’horreur ? Les enfans, les bestes, ne craignent pas la mort, voire la souffrent gayement : ce n’est donc pas nature qui nous apprend à la craindre, plustost nous apprend-elle à l’attendre et recepvoir comme envoyée par elle. Secondement est necessaire, fatale, inevitable ; et tu le sçais toy qui crains et pleures : quelle plus grande folie que se tourmenter pour neant et à son escient ? Qui est le sot qui va prier et importuner celuy qu’il sçait estre inexorable, et frapper à une porte qui ne s’ouvre poinct ? Qu’y a-il plus inexorable et sourd que la mort ? Il faut craindre les choses incertaines, se remuer pour les remediables ; mais les certaines, comme la mort, il les faut attendre, et se resouldre aux irremediables. Le sot crainct et fuyt la mort : le fol la cherche et la court, le sage l’attend : c’est sottise de regretter ce qu’on ne peust recouvrer, craindre ce que l’on ne peust fuyr : (…). L’exemple de David est beau ; lequel ayant entendu