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non commune et ordinaire, comme sera dict puis en son lieu. Desirer et chercher est mal ; c’est injustice de vouloir mourir sans cause ; c’est porter envie au monde, à qui nostre vie peust estre utile ; c’est estre ingrat à nature que de mespriser et ne vouloir user du meilleur present qu’elle nous puisse faire, et estre par trop chagrin et difficile de s’ennuyer et ne pouvoir durer en un estat qui ne nous est poinct onereux, et par trop en charge ; la fuyr et craindre, c’est aller contre nature, raison, justice et tout debvoir. D’autant que mourir est chose naturelle, necessaire et inevitable, juste et raisonnable. Naturelle, car c’est une piece de l’ordre de l’univers, et de la vie du monde. Voulez-vous qu’on ruine ce monde, et qu’on en fasse un tout nouveau pour vous ? La mort tient un très grand rang en la police et grande republique de ce monde ; et est de très grande utilité, pour la succession et durée des œuvres de nature : la deffaillance d’une vie est passage à mille autres : (…). Et non seulement c’est une piece de ce grand tout, mais de ton estre particulier, non moins essentielle que le vivre, que le naistre : en fuyant de mourir tu te fuys toy-mesme : ton estre est egalement party en ces deux, à la vie et à la mort, c’est la condition de ta creation. Si tu te fasches de mourir, il ne falloit