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faire penser à la mort. Il est incertain où la mort nous attend, attendons-la par-tout, et que tousiours elle nous trouve prests. Mais entendons les regrets et excuses que les peureux alleguent pour pallier leurs plainctes, qui sont toutes niaises et frivoles : ils se faschent de mourir jeunes, et se plaignent tant pour eux que pour autruy ; que la mort les anticipe et les moissonne encore au verd et au fort de leur aage. Plaincte du vulgaire, qui mesure tout à l’aulne, et n’estime rien de precieux que ce qui est long et dure ; où, au contraire, les choses exquises et excellentes sont ordinairement subtiles et deliées. C’est un traict de grand maistre d’enclorre beaucoup en peu d’espace : et peust-on dire qu’il est quasi fatal aux hommes illustres de ne pas vivre long-temps. La grande vertu et la grande ou longue vie ne se rencontrent gueres ensemble : la vie se mesure par la fin ; pourveu qu’elle en soit belle, tout le reste a sa proportion : la quantité ne sert de