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Le remede que baille en cecy le vulgaire est trop sot, qui est de n’y penser poinct, n’en parler jamais : outre que telle nonchalance ne peust loger en la teste d’homme d’entendement, encore enfin cousteroit-elle trop cher : car advenant la mort au despourveu, quels tourmens, cris, rage, desespoir ? La sagesse conseille bien mieux de l’attendre de pied ferme et la combattre, et pour ce faire nous donne un advis tout contraire au vulgaire, c’est de l’avoir tousiours en la pensée, la practiquer, l’accoustumer, l’apprivoiser, se la representer à toutes heures et s’y roidir non seulement aux pas suspects et dangereux, mais au milieu des festes et joyes : que le refrain soit que nous sommes tousiours en butte à la mort ; que d’autres sont morts qui pensoient en estre autant loin que nous maintenant, que ce qui peust advenir une autre fois peust aussi advenir maintenant ; et ce suyvant la coustume des aegyptiens, qui, en leurs banquets, tenoient l’image de la mort, et des chrestiens, et tous autres, qui ont leurs cemetieres près des temples, et lieux publics et frequentez, pour tousiours (disoit Lycurgue)