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l’attendre, la voir venir, s’y preparer, et puis l’empoigner au poinct qu’il faut. Le septiesme advis sera de se bien porter et conduire avec les deux maistres et sur-intendans des affaires du monde, qui sont l’industrie ou vertu, et la fortune. C’est une vieille question, laquelle des deux a plus de credit, de force et d’authorité : car certes toutes deux en ont, et est trop clairement fauls que l’une seule fasse tout et l’autre rien. Il seroit peust-estre bien à desirer qu’il fust vray, et qu’une seule eust tout l’empire, les affaires en iroient mieux, l’on seroit du tout regardant et attentif à celle-là et seroit facile ; la difficulté est à les joindre, et entendre à toutes deux. Ordinairement ceux qui s’arrestent à l’une mesprisent l’autre : les jeunes et hardis regardent et se fient à la fortune, en esperant bien ; et souvent par eux elle opere de grandes choses, et semble qu’elle leur porte faveur : les vieils et tardifs sont à l’industrie, ceux-cy ont plus de raison. S’il les faut comparer et choisir l’un des deux, celuy de l’industrie est plus honneste, plus seur, plus glorieux ; car quand bien la fortune luy sera contraire, et rendra toute l’industrie et diligence vaine, si est-ce qu’il demeure ce contentement, que l’on n’a poinct chaumé, l’on s’est trouvé (…), l’on s’est porté en gens de cœur. Ceux qui suyvent l’autre party sont en danger d’attendre en vain ; et quand bien il succederoit à souhait, si n’y a-il pas tant d’honneur et de gloire. Or l’advis de