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choses, une apathie bestiale des ames basses et plates du tout, ou bien qui ont l’apprehension toute emoussée, une ladrerie spirituelle, qui semble avoir quelque air de santé, mais ce ne l’est pas ; car il n’y peust avoir sagesse et constance où n’y a poinct de cognoissance, de sentiment et d’affaires, et ainsi c’est complexion et non vertu. C’est ne sentir pas le mal, et non le guarir : neantmoins cest estat est beaucoup moins mauvais que le cognoistre, sentir, et se laisser gourmander et vaincre : (…). Le second remede ne vaut gueres mieux que le mal mesme, toutesfois le plus en usage ; c’est quand l’on vainc et l’on estouffe une passion par une autre passion plus forte ; car jamais les passions ne sont en egale balance. Il y en a tousiours quelqu’une (comme aux humeurs du corps) qui predomine, qui regente et gourmande les autres. Et nous attribuons souvent très faulsement à la vertu et sagesse ce à quoy elle n’a pas pensé, et qui vient de passion : mais c’est