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r l’advis que je donne icy à celuy qui veust estre sage est de garder et observer de parole et de faict les loix et coustumes que l’on trouve establies au pays où l’on est, et ce non pour la justice ou equité qui soit en elles, mais simplement pource que ce sont loix et coustumes ; non legerement condamner ny s’offenser des estrangeres, mais bien librement et sainement examiner et juger les unes et les autres, n’obligeant son jugement et sa creance qu’ à la raison. Voyci quatre mots. En premier lieu, selon tous les sages, la reigle des reigles, et la generalle loy des loix, est de suyvre et observer les loix et coustumes du pays où l’on est : (…). Toutes façons de faire escartées et particulieres sont suspectes de folie ou passion ambitieuse, heurtent et troublent le monde.

En second lieu, les loix et coustumes se maintiennent en credit, non parce qu’elles sont justes, mais parce qu’elles sont loix et coustumes ; c’est le fondement mystique de leur authorité, elles n’en ont poinct d’autre ; et celuy qui obeyt à la loy, pource qu’elle est juste, ne luy obeyt pas parce qu’il doibt, ce seroit soubsmettre la loy à son jugement, et luy faire son procez, et mettre en doubte et dispute l’obeyssance, et par consequent l’estat et la police, selon la soupplesse et diversité non seulement des jugemens, mais d’un mesme jugement. Combien de loix au monde injustes, impies, extravagantes, non seulement aux jugemens particuliers des autres, mais de la raison universelle,