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tant grands soyent-ils, ne peuvent donner grand coup à celuy qui se tient sur ses gardes et est prest de les recepvoir : (…). Or pour avoir ceste prevoyance, il faut premierement sçavoir que nature nous a mis icy, comme en un lieu fort scabreux et où tout bransle ; que ce qui est arrivé à un autre nous peust advenir aussi ; que ce qui panche sur tous peust tomber sur un chascun : et en tous affaires que l’on entreprend, premediter les inconveniens et mauvaises rencontres qui nous y peuvent advenir, affin de n’en estre surprins. ô combien nous sommes deceus et avons peu de jugement quand nous pensons que ce qui arrive aux autres ne puisse arriver jusques à nous ! Quand ne voulons estre prevoyans et deffians, de peur que l’on ne nous tienne pour craintifs ! Au contraire, si nous prenions cognoissance des choses, ainsi que la raison le veust, nous nous estonnerions plustost de ce que si peu de traverses nous arrivent, et que les accidens qui nous suyvent de si près ont tant tardé à nous attraper ; et nous ayant atteincts, comment ils nous traictent si doucement. Celuy qui prend garde et