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a très bien signifié, comprenant en deux mots toute la philosophie morale, sustine et abstine

soustiens les maux,

c’est l’adversité : abstiens-toy des biens, c’est-à-dire des voluptez, c’est la prosperité. Les advis particuliers contre les particulieres prosperitez et adversitez seront au livre troisiesme suyvant, en la vertu de force et de temperance ; icy nous mettrons les advis generaux et remedes contre toute prosperité et adversité ; puis qu’en ce livre nous instruisons en general à la sagesse, comme a esté dict en son praeface. Contre toute prosperité, la doctrine et advis commun sera en trois poincts : le premier, que mal et à tort les honneurs, les richesses, et faveurs de la fortune, sont estimez et appellez biens, puis qu’ils ne font poinct l’homme bon, ne reforment poinct le meschant, et sont communs aux bons et meschans. Celuy qui les appelle biens, et a mis en iceux le bien de l’homme, a bien attaché nostre heur à un cable pourry, et ancré nostre felicité en un sable mouvant : car qu’y a-il si incertain et inconstant que la possession de tels biens, qui vont et viennent, passent et s’escoulent comme un torrent ! Comme un torrent ils font bruict à l’arrivée, ils sont pleins de violence, ils sont