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la bride à l’appetit pour suyvre l’abondance ou la delicatesse, nous serons en perpetuelle peine : les choses superflues nous deviendront necessaires ; nostre esprit deviendra serf de nostre corps, et ne vivrons plus que pour la volupté ; si nous ne moderons nos plaisirs et desirs, et ne les mesurons par le compas de la raison, l’opinion nous emportera en un precipice où n’y aura fond ny rive. Par exemple, nous ferons nos souliers de velours, puis de drap d’or, enfin de broderie, de perles et diamans : nous bastirons nos maisons de marbre, puis de jaspe et de porphire. Or ce moyen de s’enrichir et se rendre content est très-juste et en la main d’un chascun ; il ne faut poinct chercher ailleurs et hors de soy le contentement, demandons-le et l’obtenons de nous-mesmes : arrestons le cours de nos desirs : il est inique et injuste d’aller importuner Dieu, nature, le monde, par voeux et prieres,