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vie que de la couler et passer, et comme se desrober et eschapper à elle, comme si c’estoit chose miserable, onereuse et fascheuse ; veulent glisser et gauchir au monde, tellement que non seulement les devis, les recreations et passe-temps leur sont suspects et odieux, mais encore les necessitez naturelles, que Dieu a assaisonnées de plaisir, leur sont courvées. Ils n’y viennent qu’ à regret ; et, y estant, tiennent tousiours leur ame en haleine hors de là ; bref, le vivre leur est courvée, et le mourir soulas, festoyant ceste sentence desnaturée : (…). Mais l’iniquité de ceste opinion se peust monstrer en plusieurs façons : premierement il n’y a rien si beau et legitime que faire bien et deuement l’homme, bien sçavoir vivre ceste vie. C’est une science divine et bien ardue, que de sçavoir jouyr loyalement de son estre, se conduire selon le modele commun et naturel, selon ses propres conditions, sans en chercher d’autres estranges : toutes ces extravagances, tous ces efforts artificiels et estudiez, ces vies escartées du naturel et commun, partent de folie et de passion ; ce sont