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et d’une future recompense si glorieuse et heureuse, ou si malheureuse et angoisseuse, et la vie que l’on meine ! La seule apprehension des choses que l’on dict croire si fermement, feroit esgarer et perdre le sens : la seule apprehension et craincte de mourir par justice et en public, ou de quelque autre accident honteux et fascheux, a faict perdre le sens à plusieurs, et les a jettez à des partis bien estranges : et qu’est cela au prix de ce que la religion enseigne de l’advenir ? Mais seroit-il possible de croire en verité et esperer ceste immortalité bienheureuse, et craindre la mort, passage necessaire à icelle ? Craindre et apprehender ceste punition infernale, et vivre comme l’on faict ? Ce sont contes, choses plus incompatibles que le feu et l’eaue. Ils disent qu’ils le croyent : ils se le font accroire qu’ils le croyent, et puis ils le veulent faire accroire aux autres ; mais il n’en est rien, et ne sçavent que c’est que croire : ce sont des mocqueurs et affronteurs, disoit un ancien ; et un autre, que les chrestiens estoient d’une part les plus fiers et glorieux, et d’autre part les plus lasches et vilains du monde ; ils estoient plus qu’hommes aux articles de leur creance, et pires que pourceaux en leur vie. Certes si nous nous tenions à Dieu et à nostre religion, je ne dis pas par une grace et une estraincte divine, comme il faut, mais seulement