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artificielle preud’homie, et ainsi accidentale, et telle que cy-dessus j’ay dict n’estre la vraye ; mais c’est en ostant les empeschemens pour resveiller et reallumer ceste lumiere presque esteincte et languissante, et faire revivre ses semences presque estouffées par le vice particulier et mauvais temperament de l’individu ; comme en ostant la taye de devant l’œil, la veuë se recouvre, et la poussiere de dessus le miroir, l’on y void clair. Par tout cecy se void qu’il y a deux sortes de vraye preud’homie ; l’une naturelle, douce, aisée, equable, dicte bonté ; l’autre acquise, difficile, penible et laborieuse, dicte vertu : mais, à bien dire, il y en a encore une troisiesme qui est comme composée des deux, et ainsi seront trois degrez de perfection. Le plus bas est une facile nature et debonnaire, desgoustée par soy-mesme de la desbauche et du vice ; nous l’avons nommé bonté, innocence : le second, plus haut, qu’avons appellé vertu, est à empescher de vive force le progrez des vices, et s’estant laissé surprendre aux esmotions premieres des passions, s’armer et se bander pour arrester leur course et les vaincre : le troisiesme et souverain est d’une haute resolution et d’une habitude parfaicte, estre si bien formé, que les tentations mesmes n’y puissent naistre, et que les semences des vices en soyent du tout desracinées, tellement que la vertu leur soit passée en complexion et en nature. Cestuy