les plus fermes et asseurés, s’ils ne
se tiennent sur leurs gardes, tant est puissante
la vanité sur l’homme. Et non-seulement les
choses petites et legeres nous secouent et agitent,
mais encore les faussetés et impostures,
et que nous sçavons telles (chose estrange), de
façon que nous prenons plaisir à nous piper
nous mesmes à escient, nous paistre de fausseté
et de rien, Ad fallendum nosmetipsos ingeniosissimo
sumus
[1] :
tesmoin ceux qui pleurent et
s’affligent à ouir des contes, et à voir des
tragedies, qu’ils sçavent estre inventées et faictes
à plaisir, et souvent des fables, qui ne furent
jamais : diray-je encore, de tel qui est coiffé et
meurt après une qu’il sçait estre laide, vieille,
souillée, et ne l’aymer point, mais pource
qu’elle est bien peincte, et plastrée, ou
caqueteresse
[2]
, ou fardée d’autre imposture, laquelle
il sçait, et recognoist tout au long et au vray.
Venons du particulier de chascun à la vie commune, pour voir combien la vanité est attachée à la nature humaine, et non-seulement un vice privé et personnel. Quelle vanité et perte de temps aux visites, salutations, accueils et entretiens mutuels, aux offices de courtoisie, harangues, ceremonies, aux offres, promesses, louanges ? Combien d’hyperboles, d'hy-