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LIVRE I, CHAPITRE XXXV.


profict ; en ce faisant, il se forme à l’innocence, simplicité, liberté et douceur naturelle, qui reluit aux bestes, et est toute alterée et corrompue en nous par nos artificielles inventions et desbauches, abusant de ce que nous disons avoir par dessus elles, qui est l’esprit et jugement. Et Dieu tant souvent nous renvoye à l’eschole et à l’exemple des bestes, du milan, la cicogne, l’arondelle, tourterelle, la fourmy, le bœuf et l’asne, et tant d’autres. Au reste, il se faut souvenir qu’il y a quelque commerce entre les bestes et nous, quelque relation et obligation mutuelle, ne fust-ce que parce qu’elles sont à un mesme maistre, et de mesme famille que nous ; il est indigne d’user de cruauté envers elles : nous devons la justice aux hommes, la grace et la benignité envers les autres creatures qui en sont capables [1].

  1. Cette dernière phrase est tirée textuellement de Montaigne. Voyez le chapitre XI du liv. II ; page 474 de notre édition.