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discutent aussi sur l’étendue et sur la forme de l’action de classe que doit exercer le prolétariat. Les uns veulent qu’il se mêle le moins possible aux conflits de la société qu’il doit détruire, et qu’il réserve toutes ses énergies pour l’action décisive et libératrice. Les autres croient qu’il doit, dès maintenant, exercer sa grande fonction humaine. Kautsky rappelait, récemment, au congrès socialiste de Vienne, le mot fameux de Lassalle : « Le prolétariat est le roc sur lequel sera bâtie l’église de l’avenir. » et il ajoutait : « Le prolétariat n’est point seulement cela : il est aussi le roc contre lequel se brisent, dès aujourd’hui, les forces de réaction. » Et moi je dirai qu’il n’est pas précisément un roc, une puissance compacte et immobile. Il est une grande force cohérente, mais active, qui se mêle, sans s’y perdre, à tous les mouvements vastes et s’accroît de l’universelle vie. Mais tous, quelles que soient la hauteur et l’étendue de l’action de classe assignée par nous au prolétariat, nous le concevons comme une force autonome, qui peut coopérer avec d’autres forces, mais qui, jamais, ne se fond ou s’absorbe en elles, et qui garde toujours, pour son œuvre distincte et supérieure, son ressort distinct. C’est le mérite décisif de Marx, le seul peut-être qui résiste pleinement à l’épreuve de la critique et aux atteintes profondes du temps, d’avoir