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la pitié, de la justice et de la liberté. Servez d’écho aux voix plaintives qui vous arrivent d’au delà des mers. Ce sont celles de deux millions d’hommes qui périssent, chaque année, sur toute la surface de l’Afrique. Imitez vos frères de l’Angleterre. J’arrive de ce grand pays. Moi, cardinal catholique, j’ai parlé au milieu d’auditeurs protestants, dans ce costume qui, il y a un siècle, aurait été couvert de leurs huées : mais dans cette pourpre qui couvre mes épaules, ils ont vu, sans doute, le sang de tout un continent, pour lequel je venais implorer leur pitié, et ils m’ont entouré de leurs sympathies et de leur respect. Je ne sache pas un seul journal de Londres qui n’ait joint sa voix à la mienne. Il en sera de même dans votre Belgique !

Si un peuple peut parler tout entier, il ne peut tout entier se déplacer et combattre. Il lui faut des volontaires qui s’offrent et combattent pour lui. Ce sont eux que je cherche maintenant du regard parmi vous.

Mais avant de m’adresser à eux laissez-moi protester tout d’abord, puisque j’ai parlé de combat et que je propose une croisade, contre une conséquence qui en a été faussement tirée. On a dit : Vous demandez l’emploi de la force, et par conséquent une nouvelle effusion de sang ! Jusqu’ici c’était la main des Arabes ou de leurs auxiliaires qui le répandait, vous y voulez, de plus, la main des chrétiens. À la vérité, si ce malheur était temporairement nécessaire, je ne reculerais pas devant une si douloureuse nécessité ; car le sang jusqu’ici répandu à flots est le sang innocent, le sang des petits et des faibles, et maintenant le sang des bourreaux qu’il faudrait répandre est le sang d’affreux criminels.

Ce que je demande est du reste tout le contraire, et ici j’oserai donner le conseil de mon humble mais longue expérience à ceux qui exercent l’autorité. Il leur est facile de rendre impossible, dans l’intérieur de l’Afrique, la continuation de l’effusion du sang, en prenant une mesure infaillible, qui ne dépend que de leur volonté. C’est la mesure que la France a prise avec succès dans sa colonie musulmane de l’Algérie. Elle lui doit d’y garder la paix entre tant de races diverses : cette mesure est d’enlever