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le peuple du pôle

une acclamation formidable qui, nous rattrapant dans notre vol, monta jusqu’à nous de la terre ; devant cette tempête d’enthousiasme mes idées noires et mes pensées accablantes s’éparpillèrent, se dissipèrent comme des feuilles mortes auvent. Accoudé à la galerie, je saluai une dernière fois de la main ceux qui nous acclamaient.

À ce moment toute la grandeur de l’œuvre que j’avais accomplie inconsciemment, en ne poursuivant pas autre chose que la satisfaction d’un égoïste désir, m’apparut, et ce fut une merveilleuse aubaine sur laquelle je n’avais pas compté. Comme aux premiers instants de nos essais, mon cœur battit éperdument, et cette fois, ce n’était plus seulement à l’espoir d’un rêve bientôt réalisé qu’il devait cette impulsion enivrante, mais à un sentiment supérieur et plus doux : dès à présent, quoi qu’il dût advenir par la suite, j’avais la certitude de n’avoir pas vécu une vie inutile et de pouvoir tout au moins fournir dans l’avenir au reste des hommes un exemple illustre d’initiative et de volontaire audace.

Ceintras avait été lui aussi visiblement flatté et réconforté par l’acclamation. Mais son incorrigible vanité entraînait ses pensées dans un autre sens que les miennes :

— Que sont ces ovations, s’écria-t-il soudain, à