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le peuple du pôle

effroyable et du plus compliqué des suicides ! Ah ! si j’avais le courage de hâter ma fin, de mettre un terme à la torture de ce regret !…

Récemment, — lamentable pèlerinage ! — j’ai voulu me traîner jusqu’au ballon… Il n’en restait plus rien ; les monstres, comprenant que je l’avais abandonné à jamais, l’ont démonté pièce à pièce et emporté dans leurs demeures, comme ils avaient déjà fait lors de la venue d’un autre que moi. Je crois que cette curiosité sournoise, ce besoin d’apprendre et de se rendre compte à l’écart, en silence, est un des traits les plus accusés de leur caractère. Ont-ils d’autres intentions ? Veulent-ils profiter de nos inventions pour tenter prochainement une expédition chez les hommes ? Je me borne à rapporter les faits sans me hasarder à conclure.

Dans un instant je vais partir le long du fleuve, et j’y jetterai, aussi près que possible de la banquise, le bidon d’essence où je vais glisser cette feuille après les autres. Que mon dernier mot ne soit pas seulement un adieu, mais un cri de fraternité sorti d’un cœur repentant à l’adresse des hommes, — des hommes qui, au delà des murs de ma prison, aiment, travaillent, souffrent, vivent et meurent comme j’aurais dû le faire moi-même, — et puisse Dieu, pour que mon orgueilleuse folie