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le peuple du pôle

parvenir un message aux hommes, j’ai poursuivi mon travail avec plus de méthode et d’acharnement.

Je n’ai plus rien à ajouter. Je ne me crois même pas le droit de garder plus longtemps ce document par devers moi, n’eût-il qu’une chance sur mille d’être retrouvé un jour par mes semblables et de leur profiter.

Je sens à présent me quitter l’espérance et la vie. Mes forces diminuent de jour en jour, mes provisions sont presque épuisées ; je ne bougerai plus, je tenterai surtout de ne plus penser en attendant l’ombre éternelle…

Mais pourrai-je ne plus penser ? Je demeure des heures durant immobile, assis ou couché au penchant de la colline et, comme il arrive aux agonisants, les souvenirs de mon existence passée se présentent à moi avec une douloureuse précision. Je revois de clairs horizons, d’humbles et gaies maisonnettes à forée des bois, je pense à des villes dont les noms seuls évoquent le soleil et la joie de vivre… Des enfants dansent des rondes, des femmes sourient aux balcons, les fleurs s’ouvrent et embaument… En ce moment, dans mon pays, la fête du printemps doit battre son plein… Et voilà les trésors, les dons ineffables du destin que j’ai méprisés, que j’ai abandonnés pour aller de gaité de cœur au devant du plus