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le peuple du pôle

boussé du sang de sa blessure, râlant, hurlant ?…

Une fois j’étais ainsi, le revolver au poing, accroupi près de lui, et il ronflait comme une brute : « Tue-le, tue-le ! » suppliait le Démon intérieur. Et je répondais : « Oui… oui, cette fois le coup partira, mais attendons que la nuit vienne… j’aurai plus de courage dans le noir… » — « Tue-le, tue-le tout de suite », reprenait le Démon… Vraiment je crois bien que j’allais obéir et que déjà mon doigt pressait la gâchette… Alors, brusquement, Ceintras s’éveilla.

Il s’éveilla, je bondis en arrière… Trop tard. Il avait vu mon geste et je lus dans ses yeux qu’il comprenait mon intention. Il recula vers le fond de la cabine, et tandis que je sortais à pas lents, souhaitant que le ciel s’écroulât sur ma tête, il murmura confusément :

— Traître !… Lâche !… Assassin !…

Voilà les dernières paroles humaines que j’ai entendues.

Quand je revins, au bout d’une heure passée â sangloter sur la berge du fleuve, je trouvai, épinglé à la porte de la cabine, un bout de papier où je déchiffrai ces mots : « Adieu. Puisque tu as préféré pactiser avec le peuple du Pôle et conspirer avec lui pour me donner la mort, je t’abandonne et je reviens à pied chez les hommes. Je