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le peuple du pôle

qui fumait dans de rustiques tasses de faïence blanche et bleue. Des vols de mouettes glissaient au ras de la mer que plissait à peine une insensible brise ; sur les falaises de craie laiteuse que couronnaient de vertes prairies, de gais cottages s’alignaient à gauche et à droite, le long de la côte, et tout là-bas un petit steamer, — point noir empanaché de fumée, — disparaissait dans la direction de la France. Ce soir-là était le plus paisible et le plus doux des soirs de la terre ; mais comme j’étais loin de toute cette familière réalité ! Mon esprit avait remonté le cours des âges ; j’imaginais, dans un décor de gigantesques fougères, au bord des marais où grouillait une vie tumultueuse, sous le vieux ciel terrestre tout imprégné encore d’humidité et de chaleur, les étranges créatures que la découverte de Valenton m’avait révélées ; et il me semblait voir les premiers hommes, velus, énormes, cruels, armés de pierres tranchantes, s’avancer sournoisement vers les anthroposaures avec le désir obscur d’anéantir cette race rivale.

— Car, disais-je, nous ne pouvons plus admettre aujourd’hui que si l’homme est sur la terre le roi de la création, ce soit une royauté de droit divin ; cette royauté il l’a obtenue par droit de conquête… Des diverses espèces intelligentes ou portant en