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le peuple du pôle

loppe d’un aérostat et d’une nacelle d’osier. Nous avions devant nous une sorte de musée où les monstres rassemblaient tous les documents qu’ils possédaient touchant les créatures qui, pour la deuxième fois, leur arrivaient par les chemins du ciel. Un nom entendu jadis réapparut brusquement dans les régions claires de ma mémoire :

— Andrée ! m’écriai-je… Ce sont les vestiges de l’expédition Andrée…

— Je sais, je sais, j’avais compris, murmura Ceintras comme du fond d’un cauchemar.

Puis une sinistre exaltation succédant soudain à son accablement, il fit un bond, tendit un poing menaçant et furieux dans le vide et hurla :

— Oui, c’est lui, et ils l’ont tué… et c’est le sort qu’ils nous réservent… Ah ! misère de nous !…

Mais moi, c’était un sentiment plus affreux encore que la peur de la mort qui me torturait. Je ne crois pas que le Destin ait jamais préparé pour une créature pensante une aussi cruelle désillusion avec autant de raffinement : j’avais sacrifié ma vie à mon rêve, et ce sacrifice était vain… Un autre homme au moins avant moi avait foulé ce sol, contemplé ce paysage hallucinant, ces êtres horribles et impitoyables… J’eus un rire strident, prolongé, dont le bruit m’épouvanta moi-même et qui me parut, en s’échappant malgré