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le peuple du pôle

la plus véhémente satisfaction. La nuit tomba brusquement là-dessus. À la lueur de la lanterne dont nous étions munis, nous pûmes voir arriver le vieux monstre de la tourelle qu’on laissa entrer par faveur, sa tâche terminée, et qui prit sa part de ce répugnant régal avec un bruit joyeux et solennel de mâchoires.

Ce fut même, soit dit en passant, la seule circonstance où nous eûmes l’occasion de constater au Pôle quelque chose qui ressemblât de près ou de loin à un repas en commun. En général, les monstres, à toute heure et sans interrompre leur travail, grignotaient quelques bribes de poissons ou de ptérodactyles à demi carbonisés dont ils avaient toujours une ample provision dans leurs poches.

Je comprends que personne en lisant ce récit ne puisse se défendre de l’horreur que j’ai ressentie moi-même. Il faut bien dire cependant qu’il n’existe à cette horreur de légitimes raisons que dans la mesure où nous nous plaçons à notre point de vue humain ; et un esprit libre ou simplement sensé estimera que le point de vue humain ne saurait représenter rien d’idéal ou d’absolu. D’abord, ce ne sont pas à proprement parler leurs enfants que mangent les monstres polaires ; le mot de famille (comprendraient-ils pour le