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le peuple du pôle

j’emporte à jamais en moi l’image de cette face qui, même si je devais un jour revenir vivre parmi les hommes, hanterait mes nuits et mes jours comme le pire des cauchemars ou la plus affreuse folie.

Dès que j’eus observé ce crâne extrêmement développé, hypertrophié par endroits et comme boursouflé d’un excès de cervelle, dès que, surtout, les grands yeux éclairés d’un reflet intérieur se furent posés sur les miens, je compris définitivement que cette créature était douée de raison. Je me rappelle avoir cherché sur elle avec une sorte d’acharnement quelque vestige d’humanité, afin de diminuer dans une certaine mesure le trouble que cette constatation apportait dans mes plus profondes habitudes intellectuelles. Mais l’aspect du monstre ne rappelait en rien celui de l’homme. Il se tenait accroupi sur ses membres postérieurs et devait marcher de même, en se servant comme appui de sa forte queue ; ses bras grotesques et courts, au lieu de tomber au repos, le long de ses flancs, semblaient véritablement sortir de sa poitrine ; point de mains véritables, mais, attachés directement aux poignets des doigts très déliés et très longs, plus longs, à ce qu’il me parut, que les bras eux-mêmes, et à peu près pareils à des tentacules.