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le peuple du pôle

voir de nouveau les formes blanches vaguement aperçues quelques minutes auparavant.

Je ruisselais de sueur ; la rage et l’exaspération tendaient douloureusement mes nerfs. Je me dirigeai de nouveau vers le fleuve, afin de boire et de rafraîchir mon visage. Alors, pour la première fois, je me trouvai en face du plus prodigieux spectacle que jamais homme ait pu contempler.

Sur le fond sablonneux de la rivière, au-dessous de la sombre transparence de l’eau, apparaissaient çà et là de phosphorescentes lueurs violettes qui, s’étendant peu à peu, recouvrirent aussi les bas-fonds de gravier et les petits rocs enguirlandés de plantes aquatiques. Bientôt le fleuve eut l’air de couler sur des améthystes illuminées contre lesquelles je voyais se découper en noir les silhouettes de grands poissons qui fuyaient… Lentement, la clarté violette s’élevait dans l’eau se mélangeait à elle et, quand elle en eut atteint le niveau, le fleuve, dans la pénombre du Pôle, ressembla à quelque Phlégéthon ou à quelque Cocyte qui aurait roulé du soufre enflammé. Mais après avoir envahi l’eau, la clarté monta dans l’air, s’épandit sur les rives, et ce fut comme si le fleuve avait débordé soudain ; instinctivement, je me reculai, je me plaçai sur un petit tertre ; la clarté atteignit mes pieds en moins de cinq minutes. La