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ne cherche que lui-même, ne voit & ne sent que lui-même dans tout ce qui l’environne.

Il se reproduit dans tout ce qui le flatte, & il est rarement assés élevé pour n’être fortement touché que du plaisir de faire des heureux. Il y a toujours je ne sçais quoi de terrestre qui se mêle à nos sentimens les plus délicats & à nos actions les plus généreuses. Il faut toujours que les ames les plus sensibles, les plus nobles, retiennent quelque chose de la partie matérielle de notre être.

Et combien sur-tout n’en retient point cette passion si douce & si terrible dans ses effets, qui fait sentir son pouvoir à tous les individus, & sans laquelle l’espèce ne seroit plus !

Telle est sur la terre notre faculté d’aimer : telles sont ses limites, ses imperfections, ses taches. Mais ; cette puissance excellente, cette puissance si impulsive, si féconde en effets divers, si expansible, embarrassée à présent dans les liens de la chair, en sera un jour dégagée ; & celui qui nous a faits pour l’aimer & pour aimer nos semblables, sçaura ennoblir, épurer, sublimiser tous nos désirs, & faire converger toutes nos affections vers la plus grande & la plus noble fin.