Page:Charcot - Les Démoniaques dans l’art.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
86
LES DÉMONIAQUES DANS L’ART.

IV

Les grands secours

La gravure dont nous donnons ici le fac-similé est extraite des Cérémonies et Coutumes religieuses de Picart (Paris, L. Prudhomme, éditeur, MDCCCVIII, t. IV, pi. 5). Cette estampe nous fait assister à une de ces réunions dans lesquelles les convulsionnaires se faisaient administrer les « grands secours ».

On désignait du nom de secours diverses pratiques usitées chez les convulsionnaires de Saint-Médard et qui avaient pour but, au dire des partisans de l'Œuvre des convulsions, d’apporter du soulagement au milieu des angoisses de la convulsion, et en second lieu, de faire éclater la protection divine, en montrant « que Dieu met, de temps en temps, une force prodigieuse dans les membres de certains convulsionnaires, et jusque dans les fibres les plus tendres, les plus faibles et les plus délicates, et que cette force est ordinairement supérieure à celle des coups les plus violents. »

Il y avait les petits et les grands secours. Les petits secours consistaient en attouchements, pressions, coups modérés sur diverses parties du corps, et il paraît vraisemblable que la satisfaction des instincts lubriques y entrait pour une bonne part.

Les grands secours, appelés aussi secours meurtriers, et particulièrement appliqués dans le but de faire ressortir l’influence surnaturelle, consistaient en violences atroces exercées sur les convulsionnaires, soit à l’aide de grosses bûches, de barres de fer, de marteaux, d’énormes pierres, qui servaient à porter des coups énergiques et répétés, soit à l’aide d’instruments piquants, d’épingles, de clous très longs, d’épées, avec lesquels on transfixait les chairs des malheureux qu’on soumettait à ces terribles épreuves.

On vit se renouveler des scènes dont l’horreur ne peut être comparée qu’aux cruautés que les Fakirs de l’Inde, aveuglés par les suggestions du délire religieux, exercent sur leur propre personne.

Chez les convulsionnaires de Saint-Médard qui, pour la plupart, présentaient les signes de l’hystérie la mieux confirmée, il convient de mettre en valeur deux points qui ressortent naturellement de l’emploi des « secours », et dans lesquels nous pouvons reconnaître les signes de la « grande névrose hystérique » telle que nous la retrouvons aujourd’hui. Le premier réside dans la présence de l’anesthésie généralisée et profonde, si fréquente chez ces sortes de malades. Cette particularité, qui ne se traduit par aucun signe objectif, devait aider singulièrement les patients à supporter les épreuves en apparence les plus douloureuses. Il est à noter