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— Vous ne pouvez pas changer de mot, dit-elle.

J’étais si ému, si troublé, les sentiments se pressaient si violents en mon âme qu’aucune parole humaine, me semblait-il, n’aurait pu les rendre.

Quelques instants plus tôt, j’étais indifférent. Et tout à coup, cette jeune fille aux membres imparfaits, aux épaules encore informes, avait remué au fond de moi des braises ardentes. Un instant, j’avais désiré la chair ivoire de sa gorge, la vacuité interrogatrice de ses prunelles grises. Des confidences me revenaient à la mémoire : « Je ne pouvais pas savoir que je vous plaisais… Je croyais que vous ne me voyiez pas. »


Je fis porter des chrysanthèmes à Armande. Je brûlais de la revoir, de lui avouer mon sentiment. Déjà, dans mes rêves, je me voyais admis auprès d’elle à toute heure ; je devenais son amant. Je chassais aussitôt cette pensée comme indigne d’elle et de moi. Mais à chaque reprise, mon rêve allait un peu plus loin. Je m’étais dé-