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Que le poste comptait à peine dix soldats,
Grand comme Botzaris, Roland, Léonidas,
Dollard, voyant s’ouvrir une nouvelle brèche,
Prend un baril de poudre, y cheville une mèche,
L’allume, et, d’une main qui n’a jamais frémi,
Lance le formidable engin vers l’ennemi…
Mais un rameau mouvant l’arrête et le renvoie…
Et le baril fatal, en éclatant, foudroie
Les derniers preux roidis dans un dernier effort.

Et quand le chef indien pénétra dans le fort
Éclaboussé du sang de la troupe stoïque,
Il vit ― scène à la fois horrible et magnifique,
Dont l’évocation fait battre tous les cœurs ! ―
Dollard, resté debout seul devant les vainqueurs,
Noir de poudre, en lambeaux, de l’écume à la lèvre,
Echevelé, les yeux agrandis par la fièvre,
Achever à grands coups de hache les mourants,
Pour les soustraire au scalp de bourreaux délirants,
Puis, le crâne brisé par une arquebusade,
S’affaisser lourdement le long d’un camarade.

Devant tant de bravoure et tant de dévoûment,
Les noirs envahisseurs, frappés d’effarement,
Et n’osant attaquer nos bourgades guerrières,
Reprirent le chemin de leurs lointains repaires