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Sur la pente traîtresse ; et demain les rayons
Du soleil matinal, glissant au fond du gouffre,
En vain y chercheront le voyageur qui souffre,
N’y verront se mouvoir que les lynx et les ours.

Par moments, tout se tait dans les défilés sourds :
Seuls les sinistres cris des hiboux sous les arbres
Profilant leurs troncs froids et blancs comme des marbres,
Interrompent le long silence du désert
Farouche et monotone où le regard se perd.
Rien de plus saisissant que ce silence morne
Planant comme la mort dans l’espace sans borne ;
Et l’on dirait que l’air même est tout attristé
Par ce coup si brutal de la fatalité.

Maintenant le vent pleure à travers les Rocheuses,
Tous les agonisants et les morts entassés
Hélas ! sont disparus sous les replis glacés
Du suaire tramé des fils de l’avalanche
Qui d’instant en instant choit d’une cime blanche.
Et de même qu’on croit parfois sous terre ouïr
Ceux que le fossoyeur se hâte d’enfouir,
Il nous semble, penchés sur la nouvelle tombe,
Entendre de l’abîme, où déjà le soir tombe,
Monter une plaintive et poignante rumeur.