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Sous nos yeux, loin, là-bas, les flots tordent leur crête,
Et, dans toute l’horreur sans nom d’une tempête
Qui semble soulever les ondes jusqu’aux cieux,
La flotte de Walker s’engouffre à l’île-aux-Œufs,
Naufrage qui sauva le pays en détresse.
À travers le babil du vent qui nous caresse
Nous entendons gémir les malheureux colons
Oubliés sur le sol inclément des Sablons ;
Nous entendons pleurer les fils de l’Acadie,
Victimes de la guerre et de la perfidie,
Entassés dans la cale infecte de trois-mats
Pour être dispersés sous de lointains climats
Qui les verront traqués comme bêtes de proie ;
Nous entendons aussi vibrer les cris de joie
D’un peuple revenu d’un exil douloureux
Au terroir fécondé par le sang de ses preux
Et loué par la grande et sainte Poésie.

Et notre œil tout rêveur de nouveau s’extasie
Devant les mille aspects frappants ou gracieux
Que déroulent la mer, les champs, les monts, les cieux.

Soudain, couvrant les bruits indécis de la plage,
Les sons de l’Angélus s’élèvent du village,
Répétés par l’écho de ravin en ravin.
Et, dans la grande voix sonore de l’airain,