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les devoirs de la paternité, et que, par une délicatesse louable, il renferma pieusement dans son âme ce que dut avoir de cruel pour son cœur le malheur de son origine.

Tout son amour se concentra sur sa mère, qu’il consola bientôt à force de dévouement et de tendresse.

Un critique distingué, qui ne gâte pas les figures qui ont touché à la Révolution et qui a été dur pour Chamfort principalement, lui donne ce témoignage qu’il fut bon fils, et que, jusqu’à quatre-vingt-cinq ans que vécut sa mère, elle trouva en lui un cœur tendre, dévoué et toujours respectueux, encore bien qu’elle fût à cet âge aussi vive et aussi impatiente qu’il pouvait l’être lui-même.

Ce serait offenser la mémoire de Chamfort que de lui faire un mérite d’un sentiment si naturel. Mais il faut reconnaître, cependant, qu’il y a des positions qui ne sont pas faites pour adoucir les caractères, et qui peuvent assombrir l’esprit le mieux trempé. La position de Chamfort à son entrée dans la vie était de celles-là, et les critiques qui lui ont reproché sa misanthropie n’auraient pas dû oublier qu’elle avait à la fois sa raison et son excuse.

Chamfort ne porta pendant longtemps que le nom de Nicolas. Dès l’enfance, il annonçait des dispositions brillantes. Ces dispositions valurent à sa mère l’offre d’une demi-bourse au collège des Grassins. Ce collège, ainsi que cela se pratique encore de nos jours, avait en province des correspondants dont la mission était de recruter à son profit les enfants qui pouvaient plus tard lui faire honneur.

Les progrès de Chamfort furent rapides. Il obtint, en rhétorique, tous les prix au grand concours, hormis pourtant le prix de poésie latine. Ce succès, si grand qu’il fût, ne fit que mettre ses maîtres en appétit. Ils trouvè-