Page:Chamfort - Pensées, Maximes, Anecdotes, Dialogues, éd. Stahl.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donnent quelquefois à eux. Malheur alors à qui ne proclame pas la toute-puissance de leurs panacées !

Chamfort, esprit positif, esprit clair s’il en fut, devait être de ces derniers. Il s’en expliqua nettement, et, comme chacun de ses mots portait coup, on le jeta aux Madelonnettes pour le réduire au silence.

Il va sans dire que, d’un autre côté, les fanatiques du passé, peu touchés par sa sagesse, qu’ils savaient incapable d’un retour vers eux, furent implacables, eux aussi, et se gardèrent bien de lui pardonner le concours énergique qu’il avait donné et qu’il entendait donner, par sa résistance même à ses excès, à la grande cause de la Révolution.

Elle est si près de nous encore, la Révolution, quoi qu’on ait fait pour l’éloigner ; il est si clair qu’elle est en permanence, assise sur les ruines du passé et se riant des efforts tentés pour relever ces ruines, que le jour de l’équité n’est encore venu ni pour elle, ni pour ceux qui l’ont servie. Aussi Chamfort a-t-il, même de nos jours, contre lui tous les ennemis de cette Révolution, qui savent bien, eux, où sont ses vrais amis, et cette fraction de l’opinion révolutionnaire qui se proclame naïvement avancée, parce que, pour être plus sûre sans doute de ne jamais atteindre le but, elle a grand soin de donner à penser qu’elle le dépassera.