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du plus fort. C’est un ange que voire Pache, dit-il un jour à un ami de celui-ci, mais à sa place je rendrais mes comptes. Ce furent ces discours et cent autres que ceux-là supposent, qui indisposèrent les décemvirs contre lui. On sait qu’au moment de son arrestation, il fit ce qu’il put pour se tuer ; remis en liberté, ses amis lui reprochaient d’avoir tenté de se donner la mort. Mes amis, répondit-il, du moins je ne risquais pas d’être jeté à la voirie du Panthéon. C’est ainsi qu’il appelait cette sépulture depuis l’apothéose de Marat. Quelque tems après sa délivrance, un des amis qui lui ont fermé les yeux, Colchen, le félicitait d’être échappé à ses propres coups ; Chamfort lui répondit : Ah ! mon ami, les horreurs que je vois me donnent à tout moment l’envie de me recommencer. Ne voyez-vous pas dans ces paroles les sentimens d’une âme sensible et courageuse ? — Je me plais à les reconnaître en lui ; mais pourquoi donc cet emportement de paroles, ce débordement d’invectives et de menaces contre les mêmes castes, contre la plupart des mêmes individus que Marat et Robespierre proscrivirent depuis ? — Vous l’avez dit : parce que Chamfort n’était pas un esprit sage ; j’ajouterai même qu’en politique il n’était pas un esprit éclairé.